Poëzie is duidelijk aanwezig in Haïti, ook geëngageerd en met een grote kracht!

Vorig jaar in september organiseerde Loque Urbaine het driedaags poëziefestival “Transe Poétique” in Port-Au-Prince, zie https://loqueurbaine.com/transe-poetique/. Op muziek van diverse componisten werden gedichten voorgelezen uit “Anthologie de poésie haïtienne contemporaine: 73 poètes”. Dit boek werd samengesteld door James Noël en uitgegeven door “Points” in 2015. (ISBN 2757856219, 9782757856215, -557 pagina’s- ). Samuel Suffren ontwierp de hierbij gevoegde affiche, ze is gebaseerd op een schilderij van Pascale Monnin.

Jour 2 – Ville dépecée

Au son d’une clameur que nous ne voyons pas
Nous répondons par le retrait
Nous n’aurions pas le choix d’être autres qu’alliées
MAIS
les luttes et les tirs dans les rues ne sont pas nôtres
Nous prenons un verre et des accras sur une terrasse qui dépasse le bas de la ville
Nous sommes 4 femmes, deux mainates et un berger malinois

De cette niche dans la gingerbread house surplombant l’île,
Nous évoquons celles et ceux qui « viennent » ici d’habitude
Expats et diplomates
Ah les gentils white saviours
Ah les bons samaritains de la Communauté Internationale
Ah mais oui, elles et eux, ces étrangers grassement payés

Et nous entendons
celles et ceux d’ici et d’en bas tout grogne
les gens sont en rogne
contre l’immobilisme
contre les privilèges
les innombrables ghettoïsations
Des tirs en « bas » de la ville, des fumées noires
et blanches et grises

Et nous trinquons à la révolution ?
Rhum sour et bouden pimenté

(Boudin ? écrit BOUDEN en créole haïtien désigne : (1) un mets fait de boyaux d’animaux rempli de graisse et de sang similaire au boudin ; (2) il peut également être utilisé pour désigner un mensonge ou un bluff ; (3) il fait également office d’injure lorsqu’il se place dans l’expression “bouden gri” alors qu’il qualifie un individu méprisable)

Jour 4 – Nous avons chaud

Nous avons chaud
parce qu’à côté de nous,
Oui, le soleil consume l’île
la mer des caraïbes furète
De cette chaleur qui excite le moustique

Nous avons chaud
parce que le soleil ne consomme pas les déchets
Ni l’arrogance des élus-non élus sur ce pays
Les cochons bruns valdinguent des seize collines de Pòtoprens

Nous avons chaud
parce que nous aurons beau dansé les soirs
Dans les lieux où le privilège de danser nous protège
Les groupes armés dressent fusils et pénis tout contre les voisines

Nous avons chaud
parce que nous aurons beau lire la poésie
Dans les bouches où le privilège d’écrire la poésie nous préserve
Les grands mots de Dessalines et les chefs de l’Armée indigène sont bafoués

Nous avons chaud
parce que le prix du poulet bat le prix de la rue
Nous avons chaud
parce qu’il y a derrière la grille bien sécurisée
Derrière la vigilance et le zèle du garde armé
Derrière la végétation qu’un peintre désignera luxuriante
Derrière les murs qui disent la poésie le slogan et la rage
Derrière les rues creusées par le séisme et les jets de roches

Nous avons chaud
car les corps sans vie cherchent encore les récifs
Nous avons chaud
car les appétits ne sont ni vains ni pleutres
Il pleut le soir
et nous avons encore chaud
Il nuit après le soir
et nous avons encore chaud
Nous avons chaud
de ne pas être là où on meurt

La mort refroidit le corps pas l’esprit
Nous avons chaud,
pas de suées pour la peur
Nous avons chaud,
pas de prière pour l’honneur
Nous avons chaud parce qu’à un endroit du monde
En Haïti
tandis que j’écris tout ceci
Il y a une incommensurable poésie à ne pas succomber
A ne pas confondre
A ne pas morfondre
Dans le rejet de la pensée
Nous avons chaud
tandis qu’une foule crie et roule

Juste derrière nos paupières clôturées
Vit Haïti de toute sa possibilité…
Ce qui nous donne chaud, terriblement chaud.